Le Petit blond de la Casbah

Un film d'Alexandre Arcady

15 novembre 20232h08Comédie

ENTRETIEN AVEC ALEXANDRE ARCADY

En 2003, vous avez publié un roman intitulé Le Petit blond de la Casbah qui racontait votre enfance algéroise. Comment est né ce livre ? 

Dans les années 90, il y a eu cette épouvantable guerre civile en Algérie, une guerre terrible, les massacres se succédaient, l’islamisme radical était aux portes du pouvoir. Je me suis étonné du silence des réalisateurs algériens face à ce qui se passait dans leur pays. Si le cinéma ne change pas le monde, il permet toutefois de porter témoignages et je ne pouvais pas rester indifférent. Alors, dans les années 2000, j'ai réalisé Là-bas mon pays. Ce film avait deux niveaux de narration : la reconstitution d'un passé colonial pendant la guerre d’indépendance et en parallèle, la guerre civile que vivait alors l'Algérie. Les Algériens ont souhaité que je le présente en avant-première à Alger et le public a plébiscité le film.

Cette soirée tombait le jour de mon anniversaire, un 17 mars. Une fête avait été organisée en mon honneur par le Ministre de la Culture de l’époque qui est aujourd’hui Président de la République et à la fin du repas, j’ai vu arriver un gâteau avec une inscription : « Là-bas mon pays ». Mais je n’ai pas eu le temps de souffler les bougies qu’un autre gâteau est arrivé, sur lequel on avait écrit : « Ici ton pays ». Ce geste m’a bouleversé. Je savais que j'aimais l'Algérie mais, ce soir-là, j'ai compris que l’Algérie m’aimait aussi. Mon fils Alexandre m’avait accompagné durant ce voyage. C’est avec lui que je suis retourné pour la première fois dans la casbah, au 7 rue du Lézard, où nous avions vécu. Et pour la première fois, aussi, je me suis retrouvé dans notre appartement. Tout m’est revenu : les violentes émeutes de la casbah, les trois nuits d’angoisse passées dans cet appartement et, bien sûr, notre départ précipité. Et puis j’ai revu le bateau qui nous emmenait d’Algérie en France. Nous étions tous désemparés tandis qu’Alger s’éloignait sous la lumière blafarde d’un mois de décembre et que les premières voitures circulaient sur le front de mer... Quand soudain, ma mère a crié : « J'ai oublié les photos dans le buffet de la cuisine ! ». Et je m’entends encore lui répondre du haut de mes 13 ans : « Ces photos, je te les ramènerai maman !”

Et, dans cet appartement, 40 ans après notre départ, le buffet de la cuisine était toujours là. Je n’ai pas pu m’empêcher d’ouvrir le tiroir... mais le miracle ne s’est pas produit... Les photos n’y étaient pas, bien sûr ! Même si ma mère n’est plus là aujourd’hui, je pense que j’ai fait ce film pour tenir ma promesse et rapporter des photos à tous ceux qui les ont laissées derrière eux, à tous ceux qui ont dû, un jour, quitter leur terre natale, laisser un coin de paradis ou une maison familiale... Et d’une certaine façon, je pense que ce film parle surtout d’un autre exil, plus universel, celui de l’enfance.

Et ensuite, que s’est-il passé ? 

À Paris, j’ai rencontré l'éditeur Olivier Orban à qui j’ai raconté ce voyage si émouvant. Il m’a proposé, immédiatement, d’en écrire le récit. Pour lui, faire un livre sur mon enfance, c’était une façon d’expliquer pourquoi j’étais devenu le cinéaste du Coup de Sirocco, du Grand Carnaval et de Ce que le jour doit à la nuit. Alors, avec mon ami, Daniel Saint Hamont, mon scénariste fidèle, je me suis replongé dans cette période tumultueuse et lumineuse. Je me suis remémoré les événements les plus importants et les personnages qui m'avaient marqué, comme mon oncle Coco, le souteneur aux cheveux gominés, tonton Jacob, l’inventeur génial, et sa femme, ma tante Blanche, la coquette, mon père, le légionnaire au crâne rasé, qui mangeait des poivrons la nuit, ma mère, la douce et belle Driffa et mes quatre frères, sans oublier ma grand-mère, l’énorme Lisa. Il fallait aussi ne pas oublier, ma chère voisine, Josette, qui m’a fait découvrir pour la première fois le cinéma et sa mère Pierrette, la cartomancienne la plus célèbre d’Alger... Une galerie de portraits, à la fois hilarants et enchanteurs.

Pourquoi le titre du livre, Le Petit blond de la Casbah

Durant l’écriture, je me suis souvenu d’une anecdote sur mon enfance que j’avais complètement occultée. Je devais avoir dix ans et je jouais avec mes copains dans les ruelles de la casbah, nous étions une drôle de bande, tous ces bruns et moi le seul petit blond aux yeux bleus. Des touristes sont passés par la rue du Lézard et en m'apercevant ils ont sorti leur appareil photo pour me photographier, moi, pas les autres et je me suis senti horriblement humilié. Paradoxalement leur geste m’a fait sortir du cadre, malgré moi. Je me suis soudain senti différent et à partir de là, j’ai commencé à observer le monde autour de moi, le quartier où je vivais, les voisins, mes proches... C’est depuis cette photo, je crois, que j’ai conservé, intacts, les souvenirs de mon enfance.

En faisant ce livre, pensiez-vous, un jour, en faire un long métrage ?

Non. Souvent les lecteurs me demandaient pourquoi je n’en faisais pas un film mais je n’arrivais pas à imaginer des acteurs à la place de ma famille. C’était trop intime. Je faisais un blocage. Et même si j’avais toujours raconté des histoires proches de ma sensibilité et de mes racines, même si j’avais déjà évoqué l’Algérie, c’était à travers les histoires des autres, comme pour Le Coup de Sirocco, Là-bas mon pays ou Ce que le jour doit à la nuit... Je n’avais jamais parlé de mon propre parcours.
Et puis est arrivé le confinement. Cette véritable parenthèse de vie, pour le monde entier...


C’est un matin, que cela s’est produit. Le silence de la ville m’a ramené aux sons de mon enfance. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai tout à coup entendu résonner dans ma tête le roulement de la charrette du laitier sur les pavés, le bruit des sabots des ânes dans les ruelles pendant le ramassage des ordures, le chant du coq, la cloche de l'église voisine... Tous ces bruits si caractéristiques de l'Algérie de mon enfance me sont revenus étrangement, d’un coup, et je me suis dit que c’était peut-être le moment d’écrire mon histoire. Encore fallait-il trouver le chemin de l’adaptation. Alors, tout simplement, j’ai repris le principe du livre : suivre un cinéaste qui retourne à Alger pour présenter son nouveau film. Il serait accompagné de son fils qui aurait l’âge qu’il avait en quittant Alger, et en parallèle, il y aurait le film d’époque : l’histoire d’un petit garçon blond, pas tout à fait comme les autres, avec sa famille, son immeuble, sa ville et son amour du cinéma... Avec ce procédé de narration, j’avais toutes les libertés de la fiction pour me laisser porter par l'écriture du scénario dans un total bonheur.


Et puis j’ai vu le magnifique
Roma, le film d’Alfonso Cuaron, diffusé sur Netflix. Ce film m'a donné encore plus de courage pour affronter le scénario. Mais, j’étais loin de penser qu’en même temps que je racontais mon enfance, d’autres réalisateurs, comme Paolo Sorrentino, Steven Spielberg, James Gray, Kenneth Branagh, allaient faire de même. Quand j’ai terminé le script, je me suis attelé au casting. Tous les comédiens auxquels je pensais et à qui j’envoyais le scénario, Marie Gillain, Françoise Fabian, Christian Berkel, Pascal Elbé, Dany Brillant, Patrick Mille, Michel Boujenah, Valérie Kaprisky, Olivier Sitruk et tous les autres ont répondu présents, tout de suite. Cela a renforcé ma confiance et ma détermination. J’ai même trouvé rapidement, mon double enfant - Léo Campion. Je l’avais découvert dans le film de Christophe Barratier Le temps des secrets. Il incarnait le jeune Pagnol. Deux ans après, il allait devenir le jeune Arcady. Mais il y avait un personnage que je n’arrivais pas à trouver : ma grand-mère, Lisa Messaouda Hadjedj. Elle mesurait 1,50m, pesait 150 kilos et ne parlait que l’arabe. Quelle actrice pouvait incarner cette femme hors-normes ? Alors, je me suis souvenu d’un “one man show” de Jean Benguigui sur sa mère et sa grand- mère. Bien avant Michel Boujenah, Elie Kakou ou Gad Elmaleh, il s’était emparé de ces deux personnages féminins qui avaient marqué sa vie à lui aussi. En repensant à son spectacle, je me suis rappelé un geste particulier qui m’avait fait hurler de rire : Jean était assis sur une chaise, avec une serviette posée sur ses genoux et pour imiter sa grand-mère, il prenait le coin de ce tissu pour s’éventer en soupirant : « Che ! Che ! » (Chaleur ! Chaleur !). Et pourquoi pas lui ? Jean a tout de suite accepté. Il savait que c’était une performance et moi, j’avais confiance. Et je crois que j’ai eu raison.

Le tournage s’est-il passé à Alger ? 

En partie. Mais l’immeuble de la rue du Lézard, je l’ai trouvé à Tunis. La Tunisie avait déjà servi de décor pour Le Coup de Sirocco, Le Grand Carnaval et Ce que le jour doit à la nuit. J’ai eu la chance de trouver un immeuble qui ressemblait au mien à s’y méprendre, avec ses coursives et ses escaliers extérieurs. Si j’avais voulu le reconstruire, je n’aurais pas fait mieux. On l’a rénové entièrement et durant les cinq semaines de tournage, on a vécu tous ensemble, voisins, comédiens, techniciens. C’était magique !

Donc tous les intérieurs ont été tournés à Tunis, les extérieurs et la partie contemporaine, à Alger. J’ai eu l’autorisation de tournage en août 2022, quand j’accompagnais le président Macron en visite officielle en Algérie. Au cours d’un dîner au palais d'été, le président Abdelmadjid Tebboune m’a tapé sur l’épaule alors que j’allais me servir au buffet. « Alors, tu ne m’embrasses pas ? » D’abord interloqué, j’ai soudain reconnu le Ministre de la Culture qui m’avait accueilli pour la projection de Là-bas mon pays. C’est lui qui avait organisé l’anniversaire surprise qui m’avait tellement ému. 

Vous décrivez une famille peu ordinaire. À commencer par votre père, Alexandre, cet ancien légionnaire, un personnage infiniment romanesque. 

Mon père parlait toujours très fort, comme tous ceux qui ont été longtemps soldats. Mais il était tendre et il adorait sa famille. Après 19 ans de Légion étrangère, il est devenu l’administrateur du cercle militaire à Alger où ma mère était serveuse. Ils ont eu un coup de foudre. Il avait trente ans de plus qu’elle, venait d’un pays inconnu, la Hongrie, parlait avec un drôle d’accent. Ma grand-mère a d’abord été surprise du choix singulier de sa fille mais elle l’a accepté, trop heureuse de la voir refaire sa vie. Elle qui avait été divorcée d’un premier mariage. Mon père, lui aussi, avait été marié en Hongrie. Il ne pouvait donc pas l’épouser civilement. Il leur a fallu attendre vingt-cinq ans pour qu’il épouse ma mère. Mes parents s’étaient donc mariés seulement religieusement. Personne n’a vérifié si mon père était vraiment juif. Son comportement face à la religion a toujours été étrange. Il n’était pas là le jour de Kippour ni pour les circoncisions de ses fils. À mon grand étonnement, la famille ne s’en formalisait pas. C’était Alexandre, il était comme ça... Et puis, il rendait tellement de services, devenait tour à tour, comptable, infirmier, médecin. Il était adoré par toutes les familles : Hadjedj, Atlan, Sassi, Arfi, Doukhan... 

Et votre mère ?

C’était une femme silencieuse, timide même. Après leur mariage, mes parents se sont installés provisoirement dans le petit appartement de ma grand-mère du 7 rue du Lézard et ils ont eu cinq garçons en cinq ans. J’étais l'aîné. Ils étaient très unis mais mon père qui était fou d’elle était d’une jalousie maladive. Tous les hommes qu’elle croisait étaient des amants en puissance. La parade de ma mère, face à ces crises de jalousie, était imparable, elle quittait le domicile conjugal pour quelques jours laissant mon père seul avec cinq enfants. C’était sa punition.

Cette fratrie, vous en avez souvent parlé. Étiez- vous unis comme Les cinq doigts de la main

Oui et non. Deux de mes frères travaillent avec moi, dans le cinéma, l’un comme chef décorateur, l’autre comme régisseur. Mais les rapports ont toujours été compliqués avec mon frère cadet. J'étais blond autant qu’il était brun, j’étais doux autant qu’il était violent. Et ça a perduré, même en vieillissant. J'ai réalisé ce film, Les cinq doigts de la main, à la mort de ma mère. C’était une façon de parler d’elle et de lui. Vincent Elbaz interprétait son rôle : fougueux, avec un cœur gros comme ça ! Après la vision du film, mon frère Elmer, qui malheureusement n’est plus de ce monde, m’a pris dans ses bras et il m’a murmuré à l’oreille : « Tu sais, moi aussi je t’aime ». C’était la plus belle des déclarations... 

Cette joie de vivre que vous montrez dans le film, était-elle réelle ou magnifiée par le souvenir ?

Nous étions très pauvres mais notre vie à la maison était joyeuse et bruyante. Avec mes frères, on ne s’ennuyait jamais. Dans les pays du soleil, les enfants sont souvent livrés à eux- mêmes. Les rues, les terrasses deviennent des espaces de liberté. Nos parents, eux, nous ont transmis leur insouciance. Même face à la guerre, on est restés innocents. Je me souviens de ce jour où je mangeais une glace avec des copains, place du Gouvernement. On a entendu une rafale de mitraillette alors on s'est couchés par terre, comme on nous l’avait appris, mais on a continué à déguster notre cornet de glace. C'était ça le plus important pour nous, même si les balles sifflaient au-dessus de nos têtes. C’était une période terrible, mais on ne se rendait jamais compte du danger.

Vous n’avez pas que des souvenirs insouciants.

Bien sûr que non. Je me souviens d’une nuit où un homme a été tué sous notre balcon. Quand j’ai vu le cadavre baignant dans son sang, j’ai eu très peur. J’étais si traumatisé que mon père m’a pris dans ses bras et a dormi avec moi pour me rassurer. Mon deuxième souvenir, c’est l’humiliation qu’il a subie quand les paras du général Massu ont débarqué au 7 rue du Lézard, à la recherche d’un fugitif. Mon père qui a tardé à ouvrir la porte de l’immeuble a été bousculé sans ménagement sous nos yeux. Une véritable humiliation pour l’ancien légionnaire médaillé qui aurait donné sa vie pour la France. Cet événement est sans doute un des déclencheurs qui ont précipité notre départ en décembre 1960.

Et vos souvenirs les plus doux ?

Il y en a beaucoup. Le jour où j'ai gagné un concours à Radio Alger, reste pour moi un moment unique. J’étais devenu la vedette de tout le quartier. Avec l’argent que j’avais gagné, j’ai acheté un portefeuille en cuir marron que j’ai offert à mon père pour son anniversaire. Je l’ai vu pleurer pour la première fois et ça m’a terriblement marqué. Il y avait aussi nos escapades avec Josette à la plage Padovani. Et puis bien sûr, cette première fois où je suis allé au cinéma avec elle et où j’ai vu Jeux Interdits. Le cinéma a été la découverte la plus importante de mon enfance. Je n’ai eu de cesse que d’y retourner. À l'époque, je ne pensais évidemment pas que je deviendrais, un jour, réalisateur. Pour l’enfant que j’étais, venant de mon milieu, ce n’était pas envisageable.

Vous racontez aussi le vivre ensemble entre Juifs et Musulmans et avec les autres communautés, ce qui est un des thèmes que vous abordez dans la plupart de vos films.

Dans notre immeuble, toutes les communautés et toutes les religions étaient mélangées. À l’étage du dessous, il y avait Margot, une Italienne mariée à un Algérien, en face habitait Pierrette, la cartomancienne russe, qui avait épousé un Kabyle et adopté mon amie Josette, et puis deux ou trois familles juives, et les familles musulmanes. L’une d’elle écoutait, à tue-tête, toute la journée, Luis Mariano. Au 7 rue du Lézard, c'était la convivialité absolue. Les portes étaient toujours ouvertes, on n’avait pas besoin d'invitation pour aller chez les uns ou chez les autres. Et les fêtes religieuses étaient les fêtes pour tout le monde. Mais ce n’était pas idyllique pour autant. Les communautés étaient cloisonnées, même si tous parlaient la même langue, l’arabe. Moi, j’ai connu l’antisémitisme à l’école communale du quartier après mon passage chez les sœurs de Saint Vincent de Paul, les garçons de ma classe me bousculaient parce que j'étais blond et parce que j'étais juif. Dans d'autres quartiers, le racisme touchait les jeunes musulmans.

Dans ce film, comme dans la plupart de vos autres réalisations, vous mélangez la fiction et la réalité.

J’ai poussé ce mélange des genres très loin, en mêlant les images et les photos du film, aux photos familiales. Dans la réalité, je n’ai jamais retrouvé ces photos. Mais le cinéma permet l’espoir, l’utopie, et j’ai eu envie que l’Algérie restitue ce passé perdu. Avec ce film, je suis allé jusqu’au bout d’une mise en abyme. Maintes et une fois, pendant le tournage, j’ai dû m’éloigner du plateau parce que je craquais, parce que ce saut dans le temps était vertigineux. Mon frère, Tony, qui est chef décorateur y est pour beaucoup parce qu’il a su reconstituer tous les détails de ce monde qu’il a connu aussi bien que moi. Mon fils ainé, Alexandre Aja, était réalisateur deuxième équipe et c’était très important qu'il soit à mes côtés pour filmer le passé. Son passé ! Mes autres enfants, mes neveux et nièces ont vu le film et ils ont été touchés. J’ai cette immense chance d’avoir pu restituer pour eux, des images vivantes d’un passé disparu. Une belle transmission que je laisse à mes petits-enfants.

Votre nostalgie, si nostalgie il y a, est-elle ensoleillée ou mélancolique ?

Elle est ensoleillée, elle est bon enfant, elle est douce, elle est, et c’est le mot que je préfère à tous, insouciante. Je ne sais pas si toutes les enfances ressemblent à la mienne, qui a été heureuse dans un climat tumultueux, mais l’adulte que je suis, garde pour toujours en mémoire toutes ces influences... La musique arabo-andalouse, les couchers de soleil, les odeurs du jasmin et de la fleur d’oranger me bouleversent. 

C’est cette ambiance que vous vouliez donner à votre film ?

Oui. Je voulais des images dorées, chaudes, et une simplicité dans le mouvement. Nous nous sommes d’abord heurtés à la configuration de l’immeuble qui ne permettait pas de tourner avec du matériel imposant. Le chef opérateur (Gilles Henry) a eu l’idée géniale de proposer une petite caméra très stable, qu’il accrochait autour de son cou et qui nous a permis de donner cette harmonie au film. Mon frère (Tony Egry), aux décors et la chef costumière (Valérie Adda) s’en sont donné à cœur joie pour reconstituer l’ambiance d’après des photos d’époque. J’ai ressenti une grande émotion quand j’ai vu les quatre gamins qui jouaient nos rôles, tous habillés pareil. Quant à la musique (Armand Amar et Anne Sophie Versnaeyen), ils ont immédiatement saisi le souffle et l’émotion du film. J’avais déjà collaboré avec Armand sur plusieurs de mes derniers films. C’est un grand artiste. Pour le montage (Manu de Sousa), il a fallu jongler avec un nombre incalculable de plans. Le film terminé, il y en a 2400. Manu a le talent pour capter les beaux regards et les frémissements de peaux. Concernant le casting, Pierre-Jacques Benichou, m’a proposé des acteurs et j’ai adoré. Certains étaient déjà des amis, d’autres avaient déjà tourné avec moi, mais j’ai une tendresse particulière pour Françoise Fabian qui joue ma mère, plus âgée, à Paris. Elle l’avait déjà joué dans Les cinq doigts de la main et elle m’a fait un magnifique cadeau en participant à ce film si personnel.

C’est votre 16ème film. La production a-t-elle changé avec les années ?

Oh oui ! Quand j’ai commencé la réalisation, il n’y avait ni Canal, ni les chaînes de télé, ni les plateformes. Les risques étaient plus grands mais les spectateurs étaient plus nombreux dans la salle.

Aujourd’hui produire et réaliser un film, c’est un parcours du combattant. Je ne vous cache pas que par moments, j’ai voulu baisser les bras. Mais heureusement, Diane Kurys était là pour me soutenir et m’encourager à trouver des solutions financières et artistiques. Le Petit blond de la Casbah a été produit exclusivement grâce à la complicité et au soutien de Maxime Saada, de Canal +, de Ciné + et de TV5 Monde. Ni les chaînes de télé, ni les Soficas n’ont participé à ce projet.

Et si j’ai pu arriver à réaliser mon rêve c’est grâce, aussi, à des partenaires financiers qui ont cru au scénario et à cette histoire. Et je les en remercie tous. Alors, si j’ai un conseil à donner aux metteurs en scène, il ne faut jamais baisser les bras, quand une porte se ferme, n’hésitez pas à passer par la fenêtre.

Avez-vous d’autres projets après ce film ?

Oui, je prépare une série sur Le Grand Pardon et un film, très original, sur Albert Camus, une sorte de “biopic” sur son livre L’Étranger. Après, on verra...